La mobilisation

Nos hommes partent fleuris, leur matériel paré de drapeaux. Accommodés comme des chars de fête, les pièces d'une batterie d'artillerie s'en vont vers le front.

Ce n'est qu'après de longues négociations que le gouvernement français a accepté de permettre aux jeunes filles et femmes allemandes, ainsi qu'aux mêmes Allemands de moins de 17 ans et de plus de 60 ans qui avaient été emprisonnés, de rentrer chez eux en Allemagne.

Le Bureau de l'Intérieur du Reich avait pris contact avec les autorités suisses afin que des dispositions appropriées soient prises pour l'accueil des rapatriés à Genève et leur transport à travers la Suisse. Singen, dans le pays de Bade a été désignée comme station de réception en Allemagne. La municipalité et la Croix-Rouge avaient prudemment pris soin des rafraîchissements, des vêtements et de l'hébergement temporaire des arrivants. À partir de là, les entrants ont été répartis selon les 28 stations de réception dans les différents États.

Les arrivants, majoritairement des filles et des femmes, donnent, à quelques exceptions près, une impression extérieure de bien-être. Si certains se sont plaints du traitement honteux subi en captivité française, d'autres ont déclaré que leur sort était supportable. Les éloges ont été unanimes pour l'accueil amical en Suisse. Environ 200 personnes complètement démunies ont été transportées à Stuttgart, où la Croix-Rouge avait aménagé un point de ravitaillement pour les personnes et la ville avait mis à leur disposition des salles. Cependant, celles-ci n'étaient utilisés que de manière sporadique, car la majorité de ceux qui arrivaient poursuivaient leur voyage après un court repos.

Source Illustrierte Geschichte des Weltkrieges 1914

Traduit de l'allemand par Cl. He.

De retour de France

Les Allemands rentrent chez eux
Les Allemands rentrent chez eux

Images de guerre

Sur la route de Soissons à Villers-Cotterets, les dragons français ont rejoint au galop un convoi de camions automobiles allemands chargés de munitions. Une balle de mousqueton a abattu le conducteur de la première voiture. Les suivantes sont entrées en collision, ont pris feu et leur chargement a explosé. Il n'en est resté que des débris informes.

Quand, le 9 septembre au matin, a écrit von Bulow, l'ennemi, en nombreuses colonnes traversa la Marne entre La Ferté-Jouarre et Château Thierry, il ne subsista chez moi aucun doute que la retraite de l'armée de von Kluck était rendue inévitable par la situation tactique et stratégique et que de, mon côté, mon armée se trouvait dans l'obligation de se replier pour éviter d'être complètement tournée par son flanc droit.

Le 11 septembre 1914, la retraite allemande est générale, de l'Oise à la Meuse. Elle présentera sur plus d'un point un extrême désordre, dont les troupes françaises ne peuvent malheureusement pas toujours profiter, car elles sont accablées de lassitude.

Inférieures en nombre et en armement à leurs adversaires, elles ont fourni, au cours de la longue bataille, un effort peut-être sans précédent dans l'histoire militaire. Von Kluck dira plus tard qu'elles ont été "grandioses". Un officier ennemi, en les voyant à l'oeuvre dans ces journées terribles consignera sur son carnet de route: "Nous avions l'avantage de la position. Mais les Français sont des démons. Ils chargent sous la mitraille, se font tuer avec allégresse, leur vaillance est surhumaine".

La cavalerie, trop peu nombreuse, est harassée. L'épuisement de nos munitions se fait sentir. Sans doute ce concours de circonstances aura-t-il sauvé l'armée allemande d'une déroute complète.

Dans l'église de Neufmoutiers, les Allemands avaient installé une infirmerie. Dans leur retraite, ils ont abandonné leurs blessés que les médecins français ont commencé à soigner.

Les soldats français se sont battus avec bravoure tout comme leurs ennemis. Les morts sont nombreux et l'aide des civils contribuant à leur recherche est la bienvenue.

En avant, à la baïonnette !

Message de Joffre
Message de Joffre

Cet ordre du jour de la Marne demeurera une date dans l'histoire. La IV° Armée, celle du général Langle du Cary, le transmit immédiatement comme il était prescrit "à tous, jusque sur le front". Il avait été lancé à Bar-sur-Aube le 1er septembre où Joffre avait porté son quartier général.

L'ordre de retraite générale a été donné dans la nuit du 24 août à 0 H 45.

Par une note aux armées, Joffre a substitué au règlement en vigueur des instructions précises tirées des leçons cruelles du premier choc. Le 25, dans une instruction générale, il développe auprès du plan de retraite son nouveau plan de bataille : "Les opérations seront réglées de manière à reconstituer à notre gauche une masse capable de reprendre l'offensive".

Cette manoeuvre hardie du généralissime, l'armée ne la comprend d'abord pas. Il ne lui semble pas que ses pertes justifient une telle retraite. Pendant douze jours, au milieu des pires fatigues, elle marche vers le sud. Enfin éclate le fameux message du 9 septembre : "En avant ! à la baïonnette ! " Galvanisée par l'appel de son chef et comme ressuscitée, elle se retourne tout entière contre l'envahisseur, d'un seul élan.

Prenant notre retraite pour une déroute irrémédiable, l'ennemi avait précipité sa marche en avant avec une confiance orgueilleuse et imprudente. Dans le Nord, il avait traversé le 28 août, sans coup férir, Lille que les généraux Percin et Herment , après l'avoir réarmée en deux jours, avaient dû évacuer par ordre.

Le 26, il avait pris Longwy et refoulé les Anglais à Cambrai. Le 27, les Allemands étaient arrivés devant Maubeuge où ils sont entrés le 6 septembre. Cependant von Kluck n'avait cessé de pousser sur Paris son infanterie à l'allure exténuante de 45 kilomètres par jour. Il ignorait le transport sur la Somme, puis le repli méthodique en avant de Paris de l'armée de Maunoury, amenée de Lorraine depuis le 27 août et grossie d'éléments prélevés sur l'armée d'Alsace. Il ne se doutait pas davantage de la formation, dans la région de Sézanne, d'une armée nouvelle sous les ordres de Foch. Afin d'en finir avec nos forces, qu'il pensait en pleine débâcle, il s'était, le 3 septembre, détourné de Paris, qu'il laissait à sa droite et avait obliqué vers le sud-est. Il voulait porter à notre armée le coup décisif. Il aurait, ensuite, tout le temps de se retourner contre la capitale sans défense.

Mais il avait découvert son flanc. Gallieni, en accord avec Joffre, y poussa Maunoury.

Le rêve allemand brisé

Soldats allemands tués
Soldats allemands tués

Un million et demi d'allemands avaient participé à la marche vers Paris dont le succès avait été escompté à l'avance. Une brusque retraite a changé la face des choses. La formidable armée a abandonné en hâte le terrain conquis qu'elle laisse jonché de morts innombrables. Le 11 septembre 1914, Joffre écrit le mot de "victoire incontestable". A l'extrême droite du front les troupes qui ont rendu cette victoire possible par leur résistance triomphante devant Nancy, entrent le 12 à Lunéville reconquise. Depuis le 28 août, Castelnau luttait sur le Grand Couronné avec sa ténacité d'homme qui a pour devise de savoir "mourir puissamment". Il a donné l'ordre de tenir jusqu'à la mort et sera magnifiquement obéi. Une de ses divisions, forte de 22 000 hommes le 23 août, n'en comptera plus que 8 000 le 10 septembre.

Guillaume II attend, dans la forêt de Champenoux. Une escorte de cuirassiers blancs l'accompagne, pour donner de l'éclat à l'entrée théâtrale qu'il se propose de faire dans la grande cité lorraine. Sous ses yeux, du 4 au 6 septembre, les attaques allemandes se multiplient avec une violence effrénée. Le 7, cet effort frénétique est resté vain devant nos lignes inébranlables. Le kaiser doit se retirer et renoncer à ce nouveau rêve. Après Paris, Nancy est sauvé. Avançant sur les talons des Allemands qui se replient en désordre sur Metz, les vainqueurs retrouvent en Lorraine la trace des barbaries dont la Belgique a été le premier théâtre.

Gerbéviller rasé, où plus de cinquante personnes périrent, restera apparenté par l'histoire à Dinant et Louvain.

Barbarie, bestialité, inhumanité, les atrocités de l'armée allemande

Le château d'Etrepy (Marne) dévasté
Le château d'Etrepy (Marne) dévasté

Maisons pillées et méthodiquement cambriolées, foyers souillés et scientifiquement incendiés, massacres et rapts, restes et souvenirs d'orgies bestiales, voilà les traces du passage de l'ennemi sur notre sol...Prussiens et Bavarois se sont distingués par leur sadisme sanguinaire, leur goût maladif des profanations et des sacrilèges."

Victor Giraud, Histoire de la Grande Guerre .

  • Dans les cantons de Badonviller, Cirey et Blamont, des femmes et des jeunes filles, des vieillards ont été assassinés, sans aucune raison, sans le moindre prétexte; des maisons ont été incendiées systématiquement par les troupes allemandes. En plusieurs endroits, ces sauvages n'ont pas seulement saccagé, ils ont volé, emportant argent et bijoux;

  • A Badonviller, onze personnes ont été assassinées, dont la femme du maire; 78 maisons ont été incendiées avec du pétrole ou des cartouches spéciales.

  • Après le pillage de la ville, l'église a été canonnée et démolie.

  • A Bréménil, cinq personnes ont été assassinées dont un vieillard de soixante quatorze ans; un homme, blessé il y a quelques jours, alité, a été brûlé dans sa maison avec sa mère âgée de soixante quatorze ans; le maire a eu l'épaule traversée par une balle.

  • Parux n'est plus qu'un monceau de ruines; presque toutes les maisons ont été incendiées, non par les boulets pendant un combat, mais par des soldats , dès leur arrivée, avec des cartouches spéciales.

Grand Quartier Général français, 2ème Bureau

Les Armées Françaises se sont battues depuis sept mois avec la VOLONTE DE VAINCRE.
Elles doivent se battre désormais avec la CERTITUDE DE VAINCRE.

I. - Les Pertes Allemandes
Les armées allemandes ne peuvent plus augmenter ni en nombre ni en qualité. Elles sont condamnées à décroitre.
Leurs pertes, y compris les malades, dépassent dès maintenant trois millions d'hommes.
Leurs cadres sont épuisés. Il n'y a plus en moyenne que douze officiers de carrière par régiment, et comme l'armée allemande a un caractère aristocratique, elle ne peut pas recruter dans le rang de nouveaux officiers.
Les canons des Allemands sont usés. Beaucoup de leurs obus n'éclatent pas. Nos soldats en ont fait l'expérience.
Leurs recrues, à l'exercice, n'ont qu'un fusil pour trois hommes.


II. — L'Allemagne affamée
Leur ravitaillement en matériel de guerre, déjà difficile, va devenir impossible ; les flottes anglaises et françaises arrêtent toute marchandise à destination de l'Allemagne.
La population allemande est étroitement rationnée pour le pain, les pommes de terre, la bière, la viande. La preuve s'en trouve dans les lettres saisies par nous sur les morts et les prisonniers.
Le Gouvernement Allemand en a d'ailleurs fait l'aveu en offrant au Gouvernement Américain d'assurer et de contrôler en territoire allemand le ravitaillement de la population civile. Cette proposition, qui a été repoussée, était sans précédent de la part d'une grande puissance.
La monnaie allemande subit chez les neutres une dépréciation de 15 %.
Les soldats allemands, systématiquement trompés par leurs chefs depuis le début de la guerre, commencent à savoir tout cela, à comprendre que l'Allemagne est battue et que la famine achèvera la ruine commencée par nos armes.


III. — Les Alliés de l'Allemagne battus
La TURQUIE, alliée de l'ALLEMAGNE, est menacée dans sa capitale par les flottes anglaises et françaises. La GRÈCE et la ROUMANIE sont sous les armes, prêtes à marcher avec nous.
Les RUSSES viennent de briser le grand effort offensif des Allemands et des Autrichiens. Ils n'ont encore utilisé cependant que le cinquième des immenses ressources que leur offre leur recrutement.
Les SERBES ont chassé les Autrichiens de leur territoire et leur en interdisent l'accès.
Les cuirassés allemands n'osent pas sortir de leur port. Quant aux sous-marins, nous en avons coulé, nos alliés et nous, plus qu'ils n'ont torpillé de bateaux de commerce..
Notre triomphe est donc sûr. Il faut le pousser jusqu'au bout, sans pitié pour l'ennemi.

IV. Les Crimes Allemands
De pitié, l'ALLEMAGNE, en effet, n'en mérite pas.
Son Gouvernement a violé tous les traités, envahi la BELGIQUE, déchiré ses engagements envers ce noble pays, manqué à toutes les lois de la guerre sur terre et sur mer.
Les troupes allemandes ont bombardé des villes non fortifiées, incendié des villages inoffensifs, fusillé les vieillards et les enfants, violé les femmes et les jeunes filles.
Les sous-marins allemands ont coulé des navires marchands, même appartenant à des neutres. Dans les régions belges ou françaises où les Allemands ont pénétré, ils ont obligé et ils obligent encore les mères de famille dont les maris sont soldats, à subir la loi de la force, et beaucoup de ces malheureuses sont enceintes de leurs œuvres.

V. — Le Martyre des Prisonniers Français
Dans nombre de combats, on a vu les Allemands achever nos blessés à la baïonnette avec une sauvagerie systématique.
Ceux de nos soldats qui ont été faits prisonniers sont soumis en ALLEMAGNE à un régime odieux de brutalité et d'arbitraire.
Ils meurent de faim : nourris d'une infusion de glands le matin, d'une soupe à midi, d'une infusion le soir, avec, pour cinq, une boule de pain moisie.
VI. — La Victoire certaine
Que conclure de tout cela ?
D'abord, qu'il faut redoubler d'énergie pour obtenir le résultat complet qui fondera la paix de l'EUROPE et qui ne peut plus nous échapper.
Ensuite, que mieux vaut pour les soldats français mourir en combattant que de tomber aux mains des Allemands et périr d'inanition ou de tuberculose dans leurs prisons.
Pleins de confiance, marchons de toutes nos forces vers la victoire certaine,
- victoire de la PATRIE et de la REPUBLIQUE,
- victoire du DROIT, de la LIBERTÉ et de la CIVILISATION.

Le plan de déploiement français en 1914

Plan de déploiement français en 1914
Plan de déploiement français en 1914

Dans le journal d'un officier français capturé à Verdun, tel que rapporté au « Deutsches Volksblatt », se trouvait un plan de déploiement français, qui se lit comme suit :

1ère Armée, Maubeuge : 1°, 2°, 3° et 10° Corps d'Armée

2ème Armée, Verdun : 9°, 11°, 4° et 6° Corps d'Armée

3ème Armée : Toul : 20°, 5° et 8) Corps d'Armée

4ème Armée : Epinal : 13°, 12°, 17° et 16° Corps d'Armée

5ème Armée : Belfort : 7°, 14°, 15° et 16° Corps d'Armée

Chaque Armée compte 500 000 hommes, soit pour les cinq Armées 2 500 000 hommes disponibles pour l'offensive sans compter les troupes territoriales. La 1ère Armée s'allie aux armées anglaise et belge, occupe Cologne et Coblence après avoir traversé la Belgique et va s'opposer aux forces allemandes avançant depuis le nord de l'Allemagne.

La 2e Armée occupe Metz et, après sa prise, se tourne vers Sarrelouis et Coblence, où elle fera jonction avec la 1ère Armée.

La 3e Armée envahira la Lorraine, occupera la partie nord des Vosges puis déplacera sa position devant Strasbourg.

La 4e Armée occupera les parties restantes des Vosges et suivra ensuite les autres armées comme armée de réserve.

La 5e Armée passera la nuit à Altkirch et Mulhouse puis se portera en avant de Strasbourg qu'elle veut prendre et fera sa jonction avec les trois armées, Armée A à Coblence, Armée C à Strasbourg, Armée D en réserve.

Ce plan opérationnel français fournit une preuve convaincante que non seulement les Anglais mais aussi les Belges avaient accepté dès le départ de coopérer avec les troupes françaises.

Source : Illustrierte Geschichte des Weltkrieges 1914

Traduit de l'allemand par Cl. Heraduit de l'allemand par Cl. He.