Reims bombardé

Reims bombardé
Reims bombardé

Les batteries allemandes ont ouvert le feu le 17 septembre depuis Nogent l'Abbesse, visant essentiellement le quartier de la cathédrale.

Les 18 et 19 septembre, une quarantaine d'obus de 220 frappaient l'édifice lui-même. A 16 heures le samedi 19 septembre, les échafaudages qui entouraient la tour nord-ouest, en réparation depuis 1913, prenaient feu et les flammes se propageaient à l'édifice avec une rapidité foudroyante.

Des secours immédiats auraient pu conjurer le sinistre. Mais le poste de sapeurs-pompiers le plus proche venait d'être détruit par un obus. Cependant, la cathédrale était protégée par le pavillon de la Croix-Rouge qui abritait 70 à 80 blessés allemands. Deux d'entre eux furent tués le 18 et leurs corps qu'on n'avait pas pu retirer furent carbonisés dans l'incendie. Ce jour-là, une dizaine d'autres périrent.

Nous possédons une merveille unique au monde et ils le savaient. Tout un peuple de sculpteurs du Moyen-Âge en avaient ajouté les dentelles et ciselé les sculptures pour l'honneur de Notre-Dame de la France. De leurs doigts pieux, ils voient multiplié les saints, les anges, les martyrs, chefs-d'oeuvre naïfs qui semblaient vivre dans cette pierre, et la grande rosace de la cathédrale de Reims s'épanouissait sur la Champagne comme une gloire que, de tous les points du monde, les étrangers venaient admirer.

Sous cette nef avait palpité toute notre histoire. Au jour du sacre, le roi de France s'y inclinait devant Dieu, Jeanne d'Arc, la Lorraine libératrice, y avait planté, parmi les armures, son étendard fleurdelysé. Un peu du coeur de notre pays était donc enclos dans les vieilles pierres de cet édifice jailli de notre sol et de notre race, comme une fleur d'amour adorable.

Sous cette nef avait palpité toute notre histoire. Au jour du sacre, le roi de France s'y inclinait devant Dieu, Jeanne d'Arc, la Lorraine libératrice, y avait planté, parmi les armures, son étendard fleurdelysé. Un peu du coeur de notre pays était donc enclos dans les vieilles pierres de cet édifice jailli de notre sol et de notre race, comme une fleur d'amour adorable.

ls savaient tout cela. Ne les traitons pas de vandales. C'est leur faire trop d'honneur. Les Barbares qui mutilaient les statues grecques agissaient comme des enfants, étrangers au monde de la beauté. Ils ne comprenaient pas leur crime. Les Allemands, eux, savaient.

Sur la cathédrale de Reims, leurs érudits lunettes avaient écrit des volumes. Ils en avaient classé et étiqueté les rares merveilles avec cette minutie sans grâce qui leur est propre.

Le 8 septembre 1914, la Gazette de Francfort écrivait :

"Respectons les cathédrales françaises, celle de Reims, notamment, qui est une des plus magnifiques basiliques du monde. Depuis le Moyen-Âge, elle est particulièrement chère aux Allemands, puisque le maître de Bamberg s'inspira des statues de ses portiques pour dessiner plusieurs de ses figures. Les cathédrales de Rouen, d'Amiens, de Beauvais, de Leon sont aussi des chefs-d'oeuvre de l'art gothique.

Toutes ces villes sont à présent occupées par les Allemands. Nous regarderons avec vénération ces églises grandioses, nous les respecterons comme nos pères le firent en 1870".

ls ont mal tenu leur parole. Froidement, férocement, sans nécessité militaire, leurs officiers ont fait pointer leurs canons de gros calibres sur ce joyau de la France. En ricanant, ils ont détruit l'harmonie, comme auraient pu faire des dégénérés méchants et pervers. Il ne reste plus de ces vitraux, de ces dentelles, de ces gargouillis, de ces balustres, de ces chapelles, de ces statues que des murs noircis et fumants. Pourquoi ces misérables ont-ils fait cela ? Pourquoi cette folie criminelle que n'excuse pas l'ignorance ?

Pour punir nos soldats d'avoir sauvé le pays en leur résistant ou par rage impuissante de ne pas les vaincre ?

Derrière le mur vivant de nos hommes, c'est Notre-Dame, c'est le palais de Versailles, c'est le Louvre, c'est le tombeau de Napoléon, c'est l'Arc de Triomphe, c'est toute la beauté et toute la gloire de notre pays qu'ils menacent et qui s'écroulerait sous leurs coups après un recul de l'armée française.

Mais elle ne reculera pas. Déjà, dans les rangs ennemis, comme le prouvent leurs attentats, souffle un vent de panique et d'affolement. Un dernier effort héroïque et on les poussera sur le Rhin. Nous leur montrerons alors quelle distance peut séparer deux races voisines, et tout en exigeant pour ces abominables forfaits la lourde rançon qu'ils méritent, nous resterons, dans la victoire, des civilisées incapables de vilénie.

Source : Bulletin des Armées de la République, 23 septembre 1914

Protestation officielle

M. Delcassé, ministre des Affaires étrangères, a fait remettre à tous les gouvernements des états neutres la protestation suivante contre la destruction de la cathédrale de Reims :

Sans pouvoir évoquer même l'appartenance d'une nécessité militaire, pour le seul plaisir de détruire, les troupes allemandes ont soumis la cathédrale de Reims à un bombardement systématique et furieux. A cette heure, la fameuse basilique n'est plus qu'un monceau de ruines.

Le gouvernement de la République a le devoir de dénoncer à l'indignation universelle cet acte révoltant de vandalisme qui, en livrant aux flammes un sanctuaire de notre histoire, dérobe à l'humanité une parcelle incomparable de son patrimoine artistique".

Dans les marais de Saint Gond

Pour arrêter les forces allemandes devant la Marne, le pont de pierre de Lagny a été détruit par le Génie.

En reculant sous le feu très nourri de Foch, la Garde prussienne était poursuivie jusqu'à'aux marais de Saint Gond. Elle fut contrainte de s'y battre, du 9 au 10 septembre et y laissa des milliers de morts.

9 septembre 1914 : Les Prussiens battus à Mondement

Le 9 septembre, Maunoury a chassé devant lui les 260 000 hommes de la première armée allemande. d'Esperay a passé la Marne à Château-Thierry. Guillaume II a quitté le sol français pour rentrer à Luxembourg.

Mais la bataille n'est pas encore complètement gagnée. Le commandement allemand, stupéfait du redressement des armées alliées, a senti l'importance vitale de la partie engagée. Un ordre du jour du commandant du VIIème corps demande aux hommes leur dernier souffle pour le bien-être de l'Allemagne. L'état-major a réuni contre notre centre tous les moyens en son pouvoir et la Garde prussienne. Ce centre, formé par la 9ème armée, est commandé par Foch.

Attaqués le 6, nous perdons Saint-Prix le 7, le château de Mondement et La Fère Champenoise le 9. Au soleil couchant de ce jour, l'intervention de la 42ème division de Grossetti, portée par une conception hardie de Foch, de la gauche à la droite de l'armée, va nous permettre enfin de rétablir la situation. La division marocaine du général Humbert, renforcée du 77ème d'infanterie, après deux assauts repoussés, est lancée pour la troisième fois à l'attaque de Mondement que l'artillerie divisionnaire de la 42ème a tenu deux heures sous un feu d'enfer."Allons mes gars, allons mes braves !" a dit le colonel Lestoquoi du 77ème, "un dernier coup de collier et ça y est !".

Cette fois, les Allemands cèdent à nos baïonnettes. Ils se rendent ou fuient, laissant sur le terrain 3 000 morts.

Mondement
Mondement
Reims : l'entrée des Ulans
Reims : l'entrée des Ulans

L'entrée des Ulans à Reims

Reims, la cathédrale endommagée par les Allemands

Le 4 septembre 1914, les Allemands bombardent la cathédrale de Reims, ville qu'ils occupent depuis peu. Raison de cette destruction, selon l'assaillant : les Français auraient installé un poste d'observation sur la tour nord et de l'artillerie à sa base.

Reims, dont les Français ont fait une puissante forteresse au moyen d'une large ceinture de forêts, est l'une des rares villes qui, à côté de Paris, ont une certaine en France, car si en général, Paris est la France, la province n'est rien. Reims fut la ville du sacre des rois  Elle ne compte pas plus de cent mille habitants, mais elle possède de nombreuses grandes rues et de belles places, une garnison très forte, d'importantes hautes autorités, une industrie textile florissante et une production de vin mousseux mondialement connue d'environ vingt millions de  bouteilles.

La cathédrale gothique "Notre Dame de Reims", qui, construite entre le XIIIe et le XVe siècle, est l'une des plus belles églises du monde et contient de magnifiques trésors. Il est irresponsable de transformer une telle ville en forteresse et d'y laisser toutes ces valeurs culturelles irremplaçables, car malgré la dévotion presque religieuse à l'art inhérente aux Allemands, qui fait de sa protection une évidence pour eux, des situations dramatiques surviennent facilement dans la guerre de forteresse dans lesquelles cette vénération devient impossible. Et malheureusement, c'est ce qui s'est passé.

Il faut considérer comme une coïncidence remarquable que cette importante ville a été envahie par nos troupes le même jour qu'en 1870. Ce fut le capitaine saxon des Ulans von Humbracht qui, avec plusieurs officiers et une demi-douzaine de Ulans, entreprit l'acte audacieux de prendre possession de la ville.

Vers neuf heures du soir, la patrouille a parcouru les rues animées de Reims, s'est rendue directement à la mairie et a expliqué au maire, en présence des représentants de la ville, que celle-ci était désormais prise par les Allemands et qu'il devait passer la nuit dans la salle du conseil comme garde de sécurité de «l'occupation ». Pendant que les hommes et les chevaux étaient cantonnés, le chef de patrouille restait avec le maire avec un officier et un sous-officier, et les deux officiers restants devaient se présenter le plus rapidement possible au commandement divisionnaire et au général.

Une annonce du maire avait cependant déjà préparé les habitants, avec des mots savamment choisis, au fait que les troupes allemandes approchaient et qu'il était du devoir de chacun de maintenir une attitude digne à leur égard afin d'éviter tout malheur. Et il faut reconnaître que les Rémois se sont comportés de manière exemplaire à tous égards. Comme il était devenu évident qu'il n'était pas possible de faire venir un grand nombre de troupes aussi rapidement, la patrouille jugea opportun de quitter à nouveau la ville dans la matinée. Lorsque toute l'armée de Suchow arriva et exigea la reddition de la ville, cela provoqua des difficultés. Le premier bombardement débuta le 4 septembre à 8h30, mais ne dura qu'une heure, le drapeau blanc apparaissant désormais sur la tour nord de la cathédrale. Les dégâts causés ne sont pas importants et, une fois de plus, les Allemands s'entendirent bien avec les citoyens.

Ce n'est pas de notre faute...(les Allemands)

Avec les combats sur la ligne Meaux-Montmirail commença la retraite tactique brillamment réussie de l'aile droite allemande vers la ligne Aisne-Oise désormais magistralement retranchée, qui reçut même les éloges de la presse anglaise. Reims doit également être abandonnée et les Français s'y installent à nouveau. Lors d'une nouvelle avancée des Allemands, qui prennent d'assaut le château de Brimont au nord de Reims, a lieu le grand bombardement qui fait tant de bruit grâce aux mensonges de la presse ennemie et aux protestations tout aussi mensongères du gouvernement français. Vloss, furieux de ne plus pouvoir tenir la ville, les Allemands auraient pointé leur artillerie lourde sur la ville et la cathédrale et l'auraient détruite. Les Français avaient installé leur artillerie à proximité de la cathédrale et un poste d'observation sur une de ses tours, même si celle-ci arborait le drapeau blanc protecteur. Comme ce poste ne pouvait être enlevé par un tir d'artillerie ordinaire, il fut repoussé par un barrage de mortier, mais d'un seul. Malgré l'incendie qui a consumé une grande partie de l'édifice, les dommages causés à la vénérable cathédrale ne sont pas si graves, si bien qu'une restauration soit possible. L'ancienne salle royale des rois de France a cependant été détruite et, selon les rapports de témoins oculaires des États neutres, le reste de la ville a également été gravement endommagé.

Mais une ville fortifiée reste une ville fortifiée, et lorsque les Français déployèrent leur artillerie sous la protection de la cathédrale, cela ne pouvait que conduire à des contre-mesures correspondantes, que même les journaux étrangers reconnurent.

Source : Illustrierte Geschichte des Weltkrieges, 1914;

Traduit de l'allemand par Cl. He.