Français ou Allemand ?

Dès leur entrée en Alsace, les Allemands font tout pour germaniser les habitants qui n'acceptent pas leur arrivée.

ALSACE

Anton Fendrich, Rheinischen Hausfreund

6/12/20252 min read

L'Alsace en 1914
L'Alsace en 1914

Dans le Rheinischer Hausfreund, le vieux Johann Peter Hebel relate une brève conversation entre un margrave et un Français, à l'époque où l'Alsace était encore francophone. Le Français, debout sur la rive gauche du Rhin, appela « Filou !» son voisin allemand de droite. Le paysan badois, persuadé que le Français voulait savoir l'heure, porta les deux mains à sa bouche et cria : « Un demi-quart ! »

Depuis 1871, de telles négociations frontalières ne sont plus possibles sur le Rhin. Les parties doivent marcher huit heures de plus à travers la crête des Vosges. Après les combats de Masevaux, alors que les Français avaient obtenu gain de cause, un paysan furieux de la région de Saint-Dié s'adressa de nouveau à une sentinelle allemande avec ce charmant petit mot : « Filou !» Le milicien alémanique, répondit calmement : « Immer noch nit l'heure de l'Europe centrale ! » 

Chaque fois que les Français entraient dans une ville frontalière alsacienne, ils n'avaient rien de plus urgent à faire que de reculer l'horloge de l'église de 55 minutes. C'était alors l'heure de l'Europe occidentale, valable pour toute la France. Les Allemands, cependant, insistaient pour que l'horloge soit mise à l'heure allemande dès le lendemain matin.

D'ailleurs, le théâtre était la première chose que faisaient les Français lorsqu'ils arrivaient sur le sol allemand. Tout d'abord, le drapeau tricolore était toujours hissé sur le fronton de la mairie ; un petit trompettiste s'avançait et, dans une belle posture, sonnait le salut au drapeau. Ensuite, on lisait les proclamations du président Poincaré et on corrigeait immédiatement les cartes géographiques affichées dans les écoles avec le bleu et le rouge. Mais parfois, le temps manquait, comme à Kaysersberg, où le maire refusait de faire flotter le drapeau tricolore à l'hôtel de ville. On emmena le maudit Prussien. Pendant qu'il était emprisonné dans sa propre mairie, l'épouse du Maire, terrorisée, cousait un tissu bleu-blanc-rouge. Mais lorsqu'il s'est agi d'accrocher le drapeau, les trompettes allemandes ont retenti devant la ville et les balles allemandes sifflent aux oreilles des conquérants. L'incorporation de Kaysersberg dans la République française était terminée. Tout cela n'a duré que quelques jours. Les « libérateurs des frères alsaciens » étaient alors heureux de ne pas avoir perdu leur propre liberté dans l'affaire.

Ces manœuvres peu viriles ont fait perdre aux Français leur tout dernier crédit auprès des Alsaciens. Mais tout ne prêtait pas à rire. L'irruption de l'ennemi a été un fléau pour le pays. Mais ce fléau a jeté pour toujours dans les bras de l'Allemagne les quelques Alsaciens qui tenaient encore à la France dans leur cœur. Les Français ont complètement germanisé l'Alsace. Certains le pensaient âprement de ce côté-ci du Rhin. Un pays qui nourrit pendant des décennies des traîtres comme Messieurs Wetterlé, Blumenthal et Hansi et qui fournit malgré tout plus de cent mille volontaires de guerre contre la France est un bon pays allemand. Les autorités militaires le savaient aussi. Elles n'ont pas envoyé les soldats alsaciens contre les Russes, mais ont laissé le sol natal se défendre lui-même. Les quelques voleurs de gibier et voyous qui leur ont tiré dans le dos depuis leurs maisons n'ont pas pu ébranler cette confiance. Et si, après la conclusion de la paix, nous comprenons les Alsaciens dans leur spécificité, alors le Reichsland fera partie des meilleurs pays de l'Empire.